Il fait morose aujourd'hui. Le soleil ambiant n'arrive plus à réchauffer les coeurs et le fond de l'air est froid. L'humidité n'est que le fruit trop mûr d'une rosée matinale prisonnière des dernières pousses d'herbe, verdoyant quelque peu la terre marécageuse autour de l'étang.
Comme tous les matins, l'infirmière a installé le vieil humain dans une chaise roulante et l'a emmené dans le jardin. Un magnifique chêne centenaire trône au milieu et la légende dit qu'il serait venu tout seul à cet endroit. Nul n'a pu fournir d'explication plus rationnelle, mais il est plaisant de raconter cette histoire.
Du fond de sa chaise d'hospice, le vieil homme laisse une nouvelle fois vagabonder son esprit. Depuis trop longtemps il n'a pu communier avec la nature et cela le rend triste et vide. Sa vie entière n'avait été que combats. Le fracas des boucliers, les déflagrations de magie lunaire résonnaient encore autour de lui. L'espace d'un instant, il pouvait revivre, ressentir la douleur des coups, la brûlure des flèches transperçant ses flancs, mais aussi le bienfait des soins de nature. Qu'il était doux alors de s'abandonner dans cette pluie de bienfaits tel un rêve, que le prochain coup venait briser tel le tranchant d'une lance.
Hors de la réalité, perdu dans ce monde de furie, le vieil homme était comme revigoré. Son souffle s'accélère, les pupilles se rétractent, l'adrénaline parachève son oeuvre, l'oeuvre d'une vie entière. Se redressant d'un bond, comme dans son jeune âge, il lève un bras au ciel puis joint ses deux mains en un tournoiement presque hystérique. L'air ambiant s'agite, quelque chose se passe. Nul ne saurait dire s'il s'agit là d'une légende ou d'un mythe, mais les racines sortent à présent du sol. Elles s'agitent impatientes d'entendre cette voix depuis trop longtemps muette.
"Que la nature s'embrase autour de moi, que toute forme de vie se dresse en une armée de puissance !"
Ce grondement a pour effet d'ameuter les autres pensionnaires de l'hospice. Du coin de l'oeil le vieil homme voit arriver une bulle de magie lunaire et un petit être tout de plaque vêtu. C'est Shamo, l'enchanteur que l'appel du druide a sorti de sa torpeur. Un regard à gauche permet d'apercevoir une lumière incandescente, une véritable torche vivante s'avance. Arnax, l'eldritch du soleil. Les rides s'estompent, la nature s'éveille de son long sommeil. Les 3 compères se trouvent à nouveau réunis, le combat peut commencer !
De sa voix retrouvée, le druide crie maintenant.
"Compagnons, le monde se meurt. Allons-nous le laisser sombrer ainsi ?"
Mais l'âge semble rattraper dans une course folle les 3 vivants. L'homme retombe assis, essouflé. Une infirmière accourt. "Monsieur, il ne faut pas vous énerver comme ça, ce n'est pas bon pour votre coeur". Pensait-elle pouvoir par ces quelques mots apaiser la mélancolie de l'homme de nature ? Peut-être... peut-être aussi que tout cela n'était qu'un rêve oublié... peut-être que le couinement des chaises roulantes est l'unique présent à vivre...
"Pas mal mon vieil ami... vraiment pas mal... mais faudrait voir pour te bouger un peu plus, tes sorts de croissance durent de moins en moins longtemps..."
Cette voix... l'infirmière n'était plus là... et ce n'était pas une voix d'homme... mais... Se tournant sur sa droite, le vieux druide aperçoit le grand chêne... ainsi c'est lui, tout le temps il était là.
"La mémoire me fait parfois défaut sais-tu... mais je sais que tu es toujours là pour me soutenir. Nous avons partagé tant de choses, tellement d'ennemis que tu es allé combattre en empathie avec moi, je n'oserais même pas les compter. Comment te portes-tu dans ce jardin ? L'eau de l'étang est-elle au goût de tes racines ? Tu es libre de repartir pour Hibernia... je ne saurais te retenir plus longtemps..."
L'arbre s'agite lentement, mais l'écorce en son milieu semble former une bouche à image humaine d'où sortent ces mots :
"Je ne suis pas seulement là pour te soutenir, mais aussi pour te surveiller. Lors de ton départ Bigfoots m'a libéré de ma liaison avec la magie d'Hibernia et j'ai choisi de te suivre. Je vis comme un arbre mortel ici, mais cela me convient. Et pour l'eau, elle est excellente avec un léger arrière-goût de tourbe."
Le druide put voir un léger bruissement de branches qu'il savait être l'équivalent d'un clin d'oeil. Son vieil arbre... compagnon de toutes les péripéties... lui aussi prenait de l'âge. Et Bigfoots, ce nom évoquait tellement de souvenirs. Tout de suite, il avait reconnu en ce jeune champion, la fougue du combattant, la joie du vainqueur et la franchise du frère d'armes.
L'infirmière est revenue. L'homme ne l'avait pas vue arriver. Elle s'adresse à lui pour lui demander s'il a froid, si une petite couverture lui plairait.
"Mademoiselle, mon nom est Sirjudge, druide de nature, aux possibilités de croissance maximale. Je ne crains ni les plaines d'Albion, ni le froid de Midgard. J'ai combattu bien des dragons et d'autres créatures dont vous n'oseriez même pas imaginer l'existence. Prenez donc cette couverture je vous en prie. Mon oeuvre n'est pas encore achevée, mais j'ignore encore tout du destin qui m'est réservé."
La jeune humaine le regarde, interloquée par ces propos émis dans un calme presque religieux. Elle sursaute lorsque le grand chêne bruisse, alors que le vent est absent. Des traces d'herbe brûlée sur la gauche du druide, des traces de petits pas sur la droite, comme si un enfant y avait couru. Un enfant inexistant dans cet hospice et qui aurait pesé plusieurs poids d'hommes au vu de la profondeur des marques. Relevant la tête, elle aperçoit les deux autres pensionnaires pouffer de rire. Son regard à nouveau sur le druide, elle aperçoit le marécage labouré devant lui. Comme la plupart de ses semblables, elle préfère ne pas comprendre, ne pas chercher à comprendre. Elle tourne les talons et s'en va vaquer à ses occupations salariées.
S'adressant alors à ses vieux compagnons...
"Mes amis, le jour viendra où l'on viendra nous chercher. Il faudra être prêts..."
Dernière édition par Sirjudge le Lun 22 Fév 2010 - 12:48, édité 3 fois
Comme tous les matins, l'infirmière a installé le vieil humain dans une chaise roulante et l'a emmené dans le jardin. Un magnifique chêne centenaire trône au milieu et la légende dit qu'il serait venu tout seul à cet endroit. Nul n'a pu fournir d'explication plus rationnelle, mais il est plaisant de raconter cette histoire.
Du fond de sa chaise d'hospice, le vieil homme laisse une nouvelle fois vagabonder son esprit. Depuis trop longtemps il n'a pu communier avec la nature et cela le rend triste et vide. Sa vie entière n'avait été que combats. Le fracas des boucliers, les déflagrations de magie lunaire résonnaient encore autour de lui. L'espace d'un instant, il pouvait revivre, ressentir la douleur des coups, la brûlure des flèches transperçant ses flancs, mais aussi le bienfait des soins de nature. Qu'il était doux alors de s'abandonner dans cette pluie de bienfaits tel un rêve, que le prochain coup venait briser tel le tranchant d'une lance.
Hors de la réalité, perdu dans ce monde de furie, le vieil homme était comme revigoré. Son souffle s'accélère, les pupilles se rétractent, l'adrénaline parachève son oeuvre, l'oeuvre d'une vie entière. Se redressant d'un bond, comme dans son jeune âge, il lève un bras au ciel puis joint ses deux mains en un tournoiement presque hystérique. L'air ambiant s'agite, quelque chose se passe. Nul ne saurait dire s'il s'agit là d'une légende ou d'un mythe, mais les racines sortent à présent du sol. Elles s'agitent impatientes d'entendre cette voix depuis trop longtemps muette.
"Que la nature s'embrase autour de moi, que toute forme de vie se dresse en une armée de puissance !"
Ce grondement a pour effet d'ameuter les autres pensionnaires de l'hospice. Du coin de l'oeil le vieil homme voit arriver une bulle de magie lunaire et un petit être tout de plaque vêtu. C'est Shamo, l'enchanteur que l'appel du druide a sorti de sa torpeur. Un regard à gauche permet d'apercevoir une lumière incandescente, une véritable torche vivante s'avance. Arnax, l'eldritch du soleil. Les rides s'estompent, la nature s'éveille de son long sommeil. Les 3 compères se trouvent à nouveau réunis, le combat peut commencer !
De sa voix retrouvée, le druide crie maintenant.
"Compagnons, le monde se meurt. Allons-nous le laisser sombrer ainsi ?"
Mais l'âge semble rattraper dans une course folle les 3 vivants. L'homme retombe assis, essouflé. Une infirmière accourt. "Monsieur, il ne faut pas vous énerver comme ça, ce n'est pas bon pour votre coeur". Pensait-elle pouvoir par ces quelques mots apaiser la mélancolie de l'homme de nature ? Peut-être... peut-être aussi que tout cela n'était qu'un rêve oublié... peut-être que le couinement des chaises roulantes est l'unique présent à vivre...
"Pas mal mon vieil ami... vraiment pas mal... mais faudrait voir pour te bouger un peu plus, tes sorts de croissance durent de moins en moins longtemps..."
Cette voix... l'infirmière n'était plus là... et ce n'était pas une voix d'homme... mais... Se tournant sur sa droite, le vieux druide aperçoit le grand chêne... ainsi c'est lui, tout le temps il était là.
"La mémoire me fait parfois défaut sais-tu... mais je sais que tu es toujours là pour me soutenir. Nous avons partagé tant de choses, tellement d'ennemis que tu es allé combattre en empathie avec moi, je n'oserais même pas les compter. Comment te portes-tu dans ce jardin ? L'eau de l'étang est-elle au goût de tes racines ? Tu es libre de repartir pour Hibernia... je ne saurais te retenir plus longtemps..."
L'arbre s'agite lentement, mais l'écorce en son milieu semble former une bouche à image humaine d'où sortent ces mots :
"Je ne suis pas seulement là pour te soutenir, mais aussi pour te surveiller. Lors de ton départ Bigfoots m'a libéré de ma liaison avec la magie d'Hibernia et j'ai choisi de te suivre. Je vis comme un arbre mortel ici, mais cela me convient. Et pour l'eau, elle est excellente avec un léger arrière-goût de tourbe."
Le druide put voir un léger bruissement de branches qu'il savait être l'équivalent d'un clin d'oeil. Son vieil arbre... compagnon de toutes les péripéties... lui aussi prenait de l'âge. Et Bigfoots, ce nom évoquait tellement de souvenirs. Tout de suite, il avait reconnu en ce jeune champion, la fougue du combattant, la joie du vainqueur et la franchise du frère d'armes.
L'infirmière est revenue. L'homme ne l'avait pas vue arriver. Elle s'adresse à lui pour lui demander s'il a froid, si une petite couverture lui plairait.
"Mademoiselle, mon nom est Sirjudge, druide de nature, aux possibilités de croissance maximale. Je ne crains ni les plaines d'Albion, ni le froid de Midgard. J'ai combattu bien des dragons et d'autres créatures dont vous n'oseriez même pas imaginer l'existence. Prenez donc cette couverture je vous en prie. Mon oeuvre n'est pas encore achevée, mais j'ignore encore tout du destin qui m'est réservé."
La jeune humaine le regarde, interloquée par ces propos émis dans un calme presque religieux. Elle sursaute lorsque le grand chêne bruisse, alors que le vent est absent. Des traces d'herbe brûlée sur la gauche du druide, des traces de petits pas sur la droite, comme si un enfant y avait couru. Un enfant inexistant dans cet hospice et qui aurait pesé plusieurs poids d'hommes au vu de la profondeur des marques. Relevant la tête, elle aperçoit les deux autres pensionnaires pouffer de rire. Son regard à nouveau sur le druide, elle aperçoit le marécage labouré devant lui. Comme la plupart de ses semblables, elle préfère ne pas comprendre, ne pas chercher à comprendre. Elle tourne les talons et s'en va vaquer à ses occupations salariées.
S'adressant alors à ses vieux compagnons...
"Mes amis, le jour viendra où l'on viendra nous chercher. Il faudra être prêts..."
Dernière édition par Sirjudge le Lun 22 Fév 2010 - 12:48, édité 3 fois